La voix de son maître

Aujourd’hui, l’économie semble mue par des réflexes profondément moutonniers. Quelqu’un dit que c’est la crise, les médias le répètent et l’économie s’effondre. Vous voyez, on vous l’avait bien dit !

Après quelques mois -on n’ose pas dire quelques années- de croissance, revoilà à nouveau la crise. Depuis le début de l’année, en Europe, 183.000 emplois ont disparus. Mais d’où vient cette crise ? Pourquoi l’économie semble-t-elle aussi épidermique et incompréhensible qu’une femme en pleine menstruations ?  » C’est simple, analyse notre webmaster Nicolas Fabbian, qui est le seul d’entre nous à posséder des actions – à part peut-être Jean-Sé, mais ce n’est pas sûr. Il y a un effet mouton. Quelqu’un commence à dire que ça va mal, et les gens ne cessent de le répéter. Tous les jours, tu n’entends que ça à la radio et à la télé. Au final, tout le monde s’en persuade et ça va vraiment mal. »

Envie de vomir

D’ailleurs, à force d’entendre des histoires de récession et de plans sociaux, Sofia a fini par avoir réellement mal au bide et sacrément envie de vomir. L’économie semble donc mue par des mécanismes de nature pronfondément pavloviens et le suivisme y être une règle d’or. Le monde est aux mains d’un troupeau aveugle dont chaque tête de bétail n’a pas pour seul horizon que l’arrière-train laineux de celui qui le précède.

Suceur de roue

Pour aller plus loin dans cette formidable enquête, nous avons rencontré Fabien Rodrigues, courtier en ligne de profession. Fabien passe des ordres par Internet pour le compte de clients de tous horizons et confirme ce que nous venons d’écrire au dessus.  » Dans ce boulot, dit-il, il faut être avant tout un suceur de roue, suivre le mouvement, voire, au mieux, le précéder un petit peu. Mais, en tout cas, ne jamais aller contre le marché. » Ouéouéoué, je vois, je vois !

La bourse, c’est psy

Avec des mots simples mais pourtant super hermétiques, Fabien tente de nous expliquer la logique des mouvements spéculatifs.  » Au départ, il y a toujours une réalité. Ainsi, quand on spécule sur des valeurs, on se base en partie sur de l’information fondamentale (également appelée les fondamentaux), comme le chiffre d’affaire ou les perspectives de croissance. Ensuite, en fonction de différentes variables, il y a des effets de levier, qu’on pourrait assimiler à de puissants mécanismes psychologiques. De toute façon, la bourse, c’est psy, ce n’est même que ça. » Ok, je vois bien, ouais !

Problème gastrique

Grâce à l’effet de levier, un simple problème gastrique chez Bill Gates peut plonger toute l’e-économie dans une merde noire. Mais par quels mécanismes ?  » Ces dernières années, poursuit Fabien, il y a eu une forte croissance liée à la bulle spéculative de la nouvelle économie, dont les entreprises étaient largement surévalués par rapport à leurs fondamentaux,. Et puis en mars/avril 2001, la bulle a explosé. On s’est retrouvé dans une configuration de graphique en double sommet. Dans ce e-crack, comme dans l’excès d’optimisme qui l’a précédé, il y a une grande responsabilité des médias. »

Nerfs boutonneux

Grâce à leur pouvoir démultiplicateur, les médias activent inconsidérément les leviers et concourent à transformer de petits évènements concrets en phénomènes planétaires totalement démesurés. De quelques nerds boutonneux, ils font des sauveurs de l’humanité. Puis, lorsque la bulle spéculative s’est muée en pet foireux et les héros en chômeurs, ils dégainent leur discours catastrophiste pour remplir leurs colonnes et leurs éditions télévisés.

Soudaines nausées

Face à ces analyses inquiétantes et à ces reportages larmoyants qui se multiplient sur les chaînes, les investisseurs flippent et reprennent leurs billes. Du coup, tous les regards se tournent en direction des ménages. Voyons voir, plongeons leur une branche de noisetier dans la cervelle pour sonder leur moral. Ont-il la grosse patate et la grosse envie de consommer ? Vont-il soutenir à la force du caddie une économie plantéaire qui a de soudaines nausées ?

Mouvement de panique

Eh bien non ! Si cons soient-ils, les ménages ont eux aussi la télé et la radio. Et, eux aussi ont entendu dire qu’un vent mauvais venait des States (le CAC aurait atteint dernièrement une valeur plancher) et que la crise pointait le bout de son nez. Tout risque donc d’aller de plus en plus mal, au bénéfice de ce mouvement de panique totalement irrationnel. Il faut bien le reconnaître, le modèle économique qui régit nos vies est vraiment trop désincarné et trop émotif et la réalité ne semble plus être qu’une sous-catégorie d’un univers dominé par le fantasme.

E-crack

Le mot de la fin, ainsi que nos remerciements, à monsieur Rodrigues. « Alors, monsieur Rodrigues, comment vont se comporter les valeurs dans les mois à venir ?  » –  » On ne sait pas trop. Il est exact que nous sommes actuellement dans un Bear market, un marché baissier. Certains analystes très influents prédisent même un crack pour octobre, et ce qui est assez rigolo, c’est que ce crack tomberait un jeudi. Nous sommes dans une configuration identique à celle de 1987, date du dernier crack aux Etats-Unis. Ca risque de secouer. C’est les graphiques qui le disent. » – « Les graphiques ont-ils toujours raison ?  » –  » Souvent, oui, puisqu’ils sont le témoignage de réflexes psychologiques.  » –  » Mais ces réflexes ne sont-ils pas, aujourd’hui, conditionnés par les graphiques eux-même ?  » –  » Mmmmmhhh…  » –  » Monsieur Rodrigues, je vous remercie ! «