La surdité, le mal moderne des décideurs
Une chose est certaine, Jacques Chirac doit se sentir moins seul à Bruxelles. Pensez donc, il y a découvert un club secret des porteurs anonymes d’appareils auditifs défectueux ! Et comme en plus, on est loin des provinciaux d’Europe, les sons arrivent encore plus étouffés…
Ceci dit, ils ont beau être défectueux, les insultes franco-anglaises sous la ceinture restent largement audibles. Et pendant que Tony et Jacques s’étripent joyeusement sous l’oeil peut-être goguenard mais plus sûrement dépité des nouveaux arrivants de l’union européenne, le traité portant constitution semble bel et bien avoir vécu. Mais n’est certes pas mort de sa belle mort. Et pourtant, pensez-vous un seul instant que le non français ou néerlandais soit exclusivement un non à l’Europe ? Ne peut-on pas imaginer, oh rien qu’un instant, juste pour le fun, qu’une grande partie des gens ayant voté non au traité portant constitution l’ont fait non pour rejeter l’idée d’une constitution européenne mais pour en demander une version plus ouverte, plus moderne, plus transparente et dont la rédaction serait plus démocratique, sans traîner le boulet de Nice, en faisant de l’Europe plus qu’un simple marché économique ? Comme dirait l’autre, « I had a dream ».
La politique, le débat, c’était mieux avant
Ah le débat, les joutes oratoires, les duels d’idées, que de souvenirs de soirées électorales passées à se forger une culture politique (je le croyais en tout cas), l’innocence et la naïveté avaient du bon en ce temps là.
Il a suffit d’un débat d’une extrême violence, d’un mépris même pas caché et d’une malhonnêteté dont a fait preuve un paquet de bien-pensants sûrs de leurs lumières et du bien-fondé de leur mission d’évangélisation des ânes bâtés que nous sommes [1], pour étouffer les derniers restes de foi en la capacité des hommes politiques (et des journalistes, qui se mettent maintenant aussi à donner des leçons) à faire preuve d’objectivité, de respect, d’humilité et d’une vraie envie de servir l’intérêt général [2]. « I had a dream » toujours, je ne suis pas encore réveillé.
Je ne reviendrai même pas, ou juste un petit peu, sur cette transformation de la question du référendum en France, pour ou contre ce traité portant constitution, en pour ou contre l’Europe, dans une tentative, parfois même inconsciente, de culpabiliser les hésitants. Non, je n’y reviendrai pas parce que je ne me contrôlerais plus.
Résultat du loto
Vous avez perdu, désolé, vous ne repasserez pas par la case départ, vous ne toucherez pas 3000 € [3]. Bref, si le non qui voulait donner un avertissement à l’Europe actuelle, qui souhaite une constitution mais pas celle que l’on nous a proposée, qui aimerait que l’on ne prenne pas prétexte de son existence pour se vomir dessus à Bruxelles [4], ce non-là, pourtant à priori important voire majoritaire au vu des différents sondages, questionnaires, etc., est complètement laissé de côté.
Et l’on repart sur les mêmes rengaines, c’était un non anti-européen, la France est affaiblie, bla bla bla bla… Et si la France planchait sur un nouveau projet de conception d’une constitution, avec des idées, des propositions et tout de suite, un processus de détermination d’une vraie assemblée constituante ? On pourra dire à ce moment que la France joue vraiment son rôle de moteur de la construction européenne. Oui oui je sais, « I had a dream », et c’est déjà le matin.