Aaliyah, la star R&B est décédée à 22 ans le 25 août dans un accident d’avion de retour des Bahamas. Après « Roméo doit Mourir », elle devait donner la réplique à Keanu Reeves pour les prochains »Matrix’‘.
Valdinguée par Jet Li par-dessus les murs, décorée de paillettes et susurrant la mélodie délicate de « Try Again » sur un beat nasillard et déstructuré, Aaliyah a, en un seul clip, réussi à se transformer en égérie R&B. Destiné à la BO du film « Roméo doit mourir », dans lequel elle accepte les avances du susnommé castagneur de kung-fu, ce prodigieux single retrouve une place toute chaude au sein de « Aaliyah », troisième album sucré de la plus gracieuses des chanteuses R&B.
Surproduit par R. Kelly
Malgré un nom ressemblant davantage à une exclamation d’horreur qu’à un patronyme de chanteuse soul, Aaliyah est partie dans la vie plus gagnante que d’autres. Outre un physique à damner un pape et un filet de voix feutré, délicat et aérien, elle a su bien s’entourer dès son plus jeune âge. Certes, son premier album, sorti à l’âge de 14 ans (elle est née en 1980), surproduit par R Kelly, n’était guère convaincant.
Princesse de la soul
C’est avec son album suivant, conçu par Timbaland comme un résumé de tout le R&B de la décennie (avec les collaborations du gotha du genre : Missy Elliott, Jermaine Dupri, Rodney Jerkins, Daryl Simmons…), que Aaliyah a tout fait péter. Alors que TLC jette l’éponge, que les Destiny’s Child choisissent l’option bulldozer avec leur nouvel album et que Janet Jackson déçoit, Aaliyah s’arroge avec son nouveau disque la couronne de princesse de la soul pop robotico-sucrée qui caractérise les expérimentation du R&B contemporain -Missy Elliott restant la reine du genre, Kelis s’intercalant dans le trio de tête.
Puissance érectile
Comme le R&B des années 50 était une version sophistiquée, urbaine et dansante du blues rural, le R&B actuel est une évolution vers une forme élaborée de la musique noire des deux décennies précédentes, prenant autant en compte le néo funk de Snoop Dogg que le flux robotique de la techno de Detroit, le hip hop savant de De La Soul que la puissance érectile du dancehall jamaïcain.
Blancs avides de musique noire
Et ce n’est pas tout. Car, tout comme dans les années 50 et 60, ce sont les Blancs avides de musique noire qui, en y ajoutant la convulsion qui n’appartient qu’à eux, vont transformer le R&B en une forme musicale nouvelle – si le Elvis moderne se nomme Eminem, le nouveau Basement Jaxx prouve que ce sont eux les Rolling Stones d’aujourd’hui. Missy Elliott, c’est Aretha Franklin (la pêche, l’inventivité), Aaliyah, Dionne Warwick (la sensualité).
Atteindre des sommets
Aaliyah ? Oui, il y a. Car dans un mouvement de snobisme musical, on a fréquemment tendance à considérer le R&B comme une musique de producteurs. Les chanteuses, interchangeables, ne seraient là que comme des belles carrosseries drivées par Timbaland, Rodney Jerkins ou Shek’spere.
Tisser sa toile
Grave erreur. Tout comme Phil Spector, Burt Bacharach ou Willie Mitchell arrivaient à tisser une toile sonore exemplaire quel que soit l’artiste, l’alchimie qui se produisait avec certains (et surtout certaines) leur permettait de transcender l’état de simple chanson réussie pour atteindre des sommets. Phil et Ronnie Spector, Bacharach avec Dionne Warwick, Willie Mitchell avec Ann Peebles, chaque grand producteur a eu son égérie, la voix qui a porté son œuvre au-delà des limites, plus loin, plus haut que tous les autres. Timbaland et Aaliyah sont les héritiers de cette tradition.